
Comme le dit très justement Jean-Christophe Féraud dans son dernier billet, on développe parfois d' "étranges liens sociaux" dans le "grand village digital". Ces liens, dénués du carcan des strattes sociales et géographiques, sont parfois drôles, parfois émouvants, parfois agaçants, parfois tout cela en même temps. Ce à quoi je ne m'attendais pas lorsque j'ai débarqué (le 18 décembre 2009) dans la jungle du web 2.0., c'est que ces liens peuvent devenir très constructifs malgré la distance. Et en voici un joli exemple.
Je vous présente Corinne, qui manque à ma blogosphère
Quand, au hasard des méandres des citations et des follow friday de Twitter, j'ai commencé à suivre les tweets de Corinne, j'avais bien vu qu'elle était de toute évidence une jeune femme talentueuse, mais je ne me serais jamais doutée que je découvrirais, 140 caractères par 140 caractères, toute une profondeur, une richesse culturelle et sentimentale, et même une référence amicale à la fois forte et douce.
Ah, Corinne ! Tu sais à quel point je pense que tu serais une blogueuse magnifique, à la fois follement éprise de la vie et hyper-réaliste ! Tu sais écrire, tu as un coeur, tu connais le prix de la liberté, et tu nous le montres à tous ici, dans cette magnifique critique du film de James Gray, qui te vaut une invitation permanente sur ce blog pour n'importe quel billet sur n'importe quel sujet que tu voudrais couvrir. Encore merci !
Isabelle
Corinne vous présente le film TWO LOVERS de James GRAY et vous donne envie de le (re)voir
Un film qui déglingue le palpitant
C’est difficile pour moi d’évoquer ce Two Lovers… mon FILM DE L'ANNEE 2008 et l’un des plus beaux films d'amour que j'ai vu depuis pffiouuuu une grosse décennie (film qui s’est inexplicablement planté au Box office Us qui y a vu un énième film pour la St Valentin ou à Cannes qui l’a ignoré de façon incompréhensible aussi. Voilà pourtant une œuvre qui perturbe les femmes et les hommes (surtout?) durablement.
Coup de poing émotionnel, coup immense dans la "gueule" à l’âme et au cœur diront certains parce qu'on a tous ressenti des choses rares et fortes en le voyant... Et comme d'habitude honte sur l'affiche française mochissime… J’ai vu ce film le premier jour de sa sortie avec mon partenaire de jeu et des amis c’était un mercredi, le 19 Novembre 2008 exactement…(puis une autre fois et une autre une dizaine en tout de mémoire…) avec le même bonheur intact à chaque visionnage, le même malaise aussi et la même envie de dépiauter le film encore et encore. Two Lovers est arrive à égaler l’intensité de ‘’The Yards’’ polar crépusculaire magistral. Avec Joaquin Phoenix (déjà) et Charlize Theron brune et qui demeure mon œuvre de chevet de James Gray favori.. Exit armes et violence ici ou plutôt place à la plus belle des violences, celle des sentiments…
Le dilemme amoureux, un homme torturé (Joaquin Phoenix/Léonard), deux femmes (Gwyneth Paltrow / Michelle et Vinessa Shaw/Sandra) dans sa toile sur fond de chronique familiale aussi. Un parfum des Nuits Blanches de Dostoïevski… Triangle amoureux époustouflant, variation magistrale sur un thème connu que d'aucuns diront éculé et que l'on a tous caressé de près ou de loin un jour. Les personnages complexes sont délicatement croqués, tant et si bien qu'on ne les lâche pas du regard, qu'on se glisse dans leur peau qu’on a le palpitant déglingué, la boussole qui s’affole au gré des scènes, l'empathie est totale. Parce que des souvenirs refont surface, parce que les visages se crispent dans le noir, parce que les larmes perlent aussi.
Amateurs de bluettes, passez votre chemin
Joaquin Phoenix livre une performance tétanisante, marquante (pourquoi abandonner le ciné pour la déglingue musicale, pourquoi?). Il est poignantissime, à fleur de peau (pas mal d’hommes s'y sont reconnus, et bordello il me fait penser à quelques intimes et à quelqu'un en particulier c'est dingue un être très très cher… et quelques-uns sont ressortis heureux mais mal à l'aise de la séance), Phoenix/Léonard: son regard vert de chien fou écrasé par la tristesse, la solitude, la mélancolie et le mal-être, ses démons en bandoulière, la silhouette un poil lourde, la démarche heurtée voire maladroite, son air un peu évaporé, cette façon de se dérober du monde qui l'entoure… On a l’impression qu’il pourrait se foutre en l’air à chaque minute, à chaque plan presque et pourtant… Son jeu est d’une intensité hallucinante, animale voire sexuelle et tout en retenue, en pudeur aussi à la fois awww c'est un régal total! Troisième association avec James Gray (après The Yards et We Own The Night) et troisième réussite sur une partition inattendue... la plus belle aussi.
Les femmes ne sont pas en reste: d’un côté, Gwyneth Paltrow/Michelle (qui trouve son plus beau rôle depuis celui de la famille Tennenbaum de Wes Anderson à mon sens),irradie , elle est à tomber de beauté et de mystère dans un personnage attachant, fantasque, fragile et paumé jusqu'à la moelle qui se livre corps et âme) Et de l’autre, Vinessa Shaw/Sandra (sculpturale, douce et diaphane, elle a envoûté les mâles ), la blonde et la brune le feu et la glace, les deux étoiles qui tournent autour de l'astre incontrôlable Joaquin/Léonard
Elles sont belles et touchantes dans un registre différent : l'ombre et la lumière, le fantasme ou la réalité. Léonard a le choix de demeurer dans sa communauté (juive new-yorkaise) faire plaisir à la famille et opter pour Le confort amoureux, mais plan-plan et se consumer d’ennui à petit feu ou au contraire choisir l’aventure, l’excitation l’élixir passionnel, se consumer d’amour et perdre pied mais en ayant vécu vraiment… Isabella Rosselini/Ruth est parfaite également à l'instar du reste du casting en mère qui comprend trop bien trop vite le désarroi de son fils et l’imbroglio dans lequel il est... (la scène de l’escalier est indescriptible)
La mise en scène de James Gray est à d'une classe insensée, à pleurer de bonheur; ce sens du détail et du cadrage c'est fou, presqu'inhumain si j’ose dire. La scène d'ouverture est vertigineuse, inoubliable, ma rétine ne s'en remet pas. La caméra virevolte sans emphase, sans effet too much, elle caresse les visages, frôle les corps qui s'étreignent (la scène du toit mais wowwwwwwww scène d’amour mythique, coït sauvage, intense et fulgurant: l’amour fou montré et ressenti à l’écran comme rarement), la caméra essuie les larmes et ranime un poil la vie sur des visages éteints, capte la moindre étincelle d'émotion.. Bien plus, la photo du film est magnifique..les clair-obscur créent un climat mystérieux, intimiste, funèbre et envoûtant à souhait.. fixant certaines scènes comme si elles sortaient d'un rêve (sensation divine de spectateur)
Pfffiou James Gray donne chair à la douleur, au malaise amoureux, ce genre de chose qu'on arrive rarement à articuler avec des mots, et ce, avec une maestria époustouflante. C’est léger, c’est grave, c’est un immense film planqué dans un film faussement anodin.
Exit pathos ou attrape larmiche lourdingue, amateurs de bluettes sentimentales à ou de mélo avec happy end moisi passez votre chemin, ici les dérives sentimentales , les hésitations , les atermoiements les renoncements des personnages sonnent vrais… Aucun manichéisme, pas de salope ou de salaud carabiné. L’écriture, les dialogues sont subtils, maîtrisés et voguent sur un canevas à priori classique pour accoucher d'un film d'amour dévastateur, sublime, bouleversant, foutrement élégant, d'une noirceur absolue aussi surtout même qui m'a laissée au bord des larmes (J’ai flingué mon mascara pour dix bonnes année je crois).
Donc, pourquoi (re)voir Two Lovers ?
Parce que le moindre geste, le moindre regard balaie une palette d'émotions folles, comme ça sans y toucher. Parce qu'il n'y a pas de jugement, ni de morale à deux balles, pas de cynisme, pas d'ironie malvenue, parce que ce film ravive des souvenirs enfouis (récents et plus anciens aussi…), parce que New-York est diablement filmée (aussi fabuleusement que chez Woody Allen au hasard parmi les cinéastes amoureux transis de la Big Apple), on sent la ville vivante, respirer sur grand écran, la caméra se faufile dans le dédales des appartements new-yorkais puis nous plonge dans sa faune urbaine si pressée et s’attarde sur ses fameuses bouches d'égout fumantes et COINCIDENCE, les lieux renvoient aux états d'âmes des héros.
Parce que James Gray n'a pas fini de m'étonner et de m'émouvoir, parce qu'il n'est pas le meilleur pote de David Ficher pour rien. Parce que la scène de fin est somptueuse, cruelle et implacable aussi parce que le destin ne tient pas à grand-chose finalement, parce que le destin est une petite pute parfois. Parce que c'est un film rare et touchant, d'une beauté absolue tout simplement porté par des acteurs en état de grâce, parce que ce film me (nous) hante encore, parce que j'ai envie de bégayer chef d'œuvre... et que je vais y retourner plus tard c'est sûr une onzième fois avec lui (oui, lui qui s’est reconnu un peu plus que les autres ce fameux mercredi soir de Novembre 2008... et qui a su me retenir plus longtemps que les autres aussi... jusqu’ici…)
(Retrouvez-moi sur Twitter)

L'intime et le public
En commençant ce blog, je n'avais pas perçu à quel point bloguer sur la société, c'est nécessairement se questionner très souvent sur le niveau d'intimité que l'on veut - ou que l'on peut - partager avec son lecteur. Jusqu'à présent, à cette question qui me revient en ritournelle à chaque fois que je sélectionne le champ "nouveau message" sur Blogger, j'avais répondu : juste un petit bout. J'ai donné assez d'éléments personnels pour humaniser l'écriture, mais pas suffisamment pour vous donner la moindre idée de qui je suis vraiment, et encore moins d'où je viens.
Les journalistes ont, j'en suis sûre, ce genre de problématique, mais ils sont enrichis par moult cours et vade-mecums pour la résoudre. Et surtout, ils sont payés pour laisser leur vie privée dehors, et être les arbitres des hors-jeu de la société (y parviennent-ils ? C'est un autre débat que j'ai partiellement dégoupillé ici il y a quelques semaines).
Pour une fois, et je dis bien pour une fois, je soulèverai un peu plus le voile, tout simplement parce que j'ai été très touchée par la lecture du Quai de Ouistreham de Florence Aubenas, et parce que j'ai quelque chose à y ajouter qui nécessite que je me raconte un peu.
Aubenas ne fait pas dans l'intimisme,
Et c'est tant mieux
Ce n'est pas l'histoire d'une journaliste parisienne qui se fait passer pour une chercheuse d'emploi
Je ne vais pas vous faire la revue ni le résumé du livre de Florence Aubenas : beaucoup l'ont fait, à sa sortie il y a quelques mois, bien mieux que je ne pourrais le faire. Mais je souhaite vivement répondre à une critique que j'ai entendue récemment, que Florence se mettrait en valeur, qu'elle "incarnerait" les gens dont elle parle et que ce n'est pas bien, parce qu'elle jouerait à "vis ma vie de pauvre". C'est peut-être l'impression donnée par certaines revues de son livre (?), mais c'est archifaux.
Florence Aubenas ne fait pas un trip bourgeois chez les miséreux : avec sa plume, elle prend la photo, de la manière la plus neutre possible, d'un monde qui n'a pas de voix, parce qu'il est trop humilié pour en avoir une. Elle prend la photo d'un monde qui bien souvent n'a pas d'appareil photo, et qui, si même il en avait un, considèrerait que prendre des photos est un luxe, une distraction à la survie.
Avait-elle le choix entre faire des interviews de tous ces gens plutôt que de se faire passer pour l'une d'entre eux ? Non, car la plupart de ces personnes, elle ne les auraient pas trouvées autrement. Alors, basta avec ces idées que la plongée d'un journaliste dans un monde qui n'est pas le sien, c'est comme un "photographe de guerre qui laisse son appareil pour vivre sous les bombardements".
C'est l'histoire d'une journaliste qui veut être lue : et et et alors ?
Aubenas ne juge pas : elle écoute patiemment et elle retranscrit, d'une manière honnête et vraie. Elle n'essaie pas de faire de la littérature, et on sent pourtant qu'elle pourrait. La valeur de son travail est là-dedans : elle se met à l'arrière-plan pour présenter ce monde, délicatement, et de la manière la plus digeste possible pour nous, lecteurs fragiles et sensibles, qui pouvons cracher les 20 euros que coûtent le livre.
Florence ne fait pas un trip bourgeois, mais j'apprécie le fait qu'elle ait clairement écrit pour être lue : son livre est concis, pratique, ses histoires mémorisables et sa prose directe. Elle veut être lue par les bourgeois, par les élites, par les lettrés, par les politiques, par ses confrères, par vous, et par moi. Et c'est bien.
C'est l'histoire d'une journaliste qui veut être lue parce qu'elle a rassemblé les témoignages de ceux qui n'ont pas de voix
Le livre de Florence Aubenas est un rassemblement à la fois élégant et fort de constats, souvent frappants, sur la société actuelle, dont le leitmotiv est une humilation des personnes tellement permanente qu'elle est devenue un système. Avoir lu cet ouvrage, avoir vécu, avoir ouvert les yeux et refuser cet état des lieux revient à se cacher derrière son petit doigt. Merci, Florence, de nous montrer, par exemple, qu'une jeune femme de 25 ans a dit ceci l'année dernière :
"C'est du donnant-donnant avec le patron. Il faut savoir rester en bas pour réussir"
Nombre d'entre vous auront d'ailleurs vécu, directement ou indirectement, cette même humiliation : elle se décline sous de nombreuses formes. Je l'ai vécue pendant au total 7 mois de ma vie. Et j'ai de la chance :
Là je vais faire dans l'intimisme,
Et c'est tant pis
Je ne connais pas directement le monde des demandeurs d'emploi, sauf à dire que je m'approprie l'expérience de mon père en la matière, ce qui serait une gajeure. Je vivais seule et je travaillais quand il a perdu son emploi. J'étais hors du nid : j'ai moins senti sa chute.
Le Quai de Ouistreham a résonné en moi pour d'autres raisons, parce qu'il m'a remémoré d'autres sans-voix dont j'ai fait partie : celui des chômeurs en sursis d'une usine de logistique de Châteauroux. Châteauroux, mais c'est où ? C'est le gros point rouge, là :
Eh oui, trois (longs) étés de ma vie, pendant que mes copines de fac allaient se faire dorer à Antibes ou faisaient des stages non-rémunérés dans la boîte du copain de leur papa (ce qui me paraîssait un luxe merveilleux), j'ai fait les équipes dans un de ces grands hangars sans air conditionné, avec les quais à camions à l'arrière. Comme ça, je payais partiellement mon prêt d'études de l'année précédente et j'engrangeais suffisamment pour ne pas devoir travailler du tout pendant l'année universitaire et me concentrer sur mes études sans trop dépendre de mes parents.
La société pour laquelle je travaillais était une boîte de logistique "à flux tendus" qui pourvoyait plusieurs chaînes de boutiques françaises. Les fringues moches et bon marché arrivaient de Chine, d'Inde ou du Sri Lanka, les boîtes étaient déballées, les fringues souvent puantes étaient étiquetées, puis remises dans des boîtes elles-mêmes rangées dans des grandes allées où les préparateurs de commandes venaient les chercher, avec des grands chariots qui pèsent des tonnes. Puis le tout était contrôlé et réexpédié par camion dans l'une des nombreuses boutiques. Parfois, les cartons livrés de Chine ou d'ailleurs contenaient de la merde. Ça faisait marrer certains. D'autres y voyaient sans doute à raison la misère des ouvriers de là-bas qu'on ne laissait, nous le supposions, pas aller aux toilettes et qui faisaient ce qu'ils pouvaient.
Un été, j'ai fait de l'étiquetage de "pendus" (vêtements sur cintres), debout toute la journée. Les deux étés précédents, j'avais tiré la floche de la préparation de commandes, que tout le monde appellait "tirage", parce qu'il faillait tirer ces chariots monstrueux. Et j'avais de la chance : j'étais étudiante et c'était temporaire. Et j'avais de la chance : j'étais étudiante en droit et je pouvais envoyer la sous-chef à la con se faire voir chez les Grecs quand elle m'aboyait que je ne pouvais pas aller aux toilettes avant d'avoir terminé de préparer ma commande (ce qui peut prendre un heure, voire, plus). Evidemment, j'y allais, parce que je savais qu'un employeur n'a pas le droit de restreindre ton accès aux pissoirs. Et évidemment, aujourd'hui encore, j'emmerde cette grosse poufiasse qui démontrait parfaitement qu'il n'y a rien de pire dans l'espèce humaine qu'un petit chef :
Petits chefs, je vous emmerde tous (enfin, presque) : vous êtes l'électricité dans les tuyaux du pouvoir, vous transmettez les ordres, vous êtes les garants de l'ordre établi surtout quand l'ordre établi pue.
Aaah, ça fait du bien de le dire.
Mais les employés permanents, ceux qui étaient là tout le temps, avec des CDD ou des CDI, n'allaient pas aux toilettes, ils se laissaient faire par la petite cheftaine qui ne se sentait plus pisser. Ils se laissaient faire aussi quand on leur demandait de travailler l'équipe de l'après-midi un jour, et puis celle du matin successif, ce qui ne leur donnait que huit heures entre une journée de travail et la suivante, au lieu des 11 heures minimum qui étaient déjà obligatoires. Etc, etc, etc. Et tout ça pour le SMIC. Et tout ça, c'était merveilleux, parce qu'ils avaient de la chance, se disaient-ils. Il y en avait mille qui attendaient à la porte pour prendre leur boulot s'ils dépassaient la ligne jaune et demandaient le respect de leurs droits.
Ces mille-là, je ne les ai jamais vus, ni quand j'entrais ni quand je sortais de ce putain d'enfer, où les seuls à avoir l'air conditionné étaient les employés de bureau, les ordinateurs et les POUBELLES.
Et j'ai de la chance : maintenant, j'ai un blog et j'ai le temps de lire Le Quai de Ouistreham.
Et jamais, au grand jamais, je n'entre dans aucune des boutiques où on vend des fringues bon marché. Je vous assure que je préfèrerais me ballader en pyjama plutôt que de faire vivre ces gens-là. Plutôt à poil que dans leur merde.
A bientôt.
I.O.
P.S. : un grand merci à Florence Aubenas si d'aventure elle lit ces lignes.

Il y a quelques semaines, autant dire en plein milieu de l'ère grecque de l'histoire de l'Interweb, je vous avais goupillé une petite galerie des oeuvres de Banksy, en pensant sortir un billet vous présentant le célèbre graffitiste britannique deux jours plus tard.
Puis la vraie vie m'a soudainement tapé sur l'épaule et m'a ordonné de soulever mon auguste derrière, ce que j'ai fait avec plaisir, vu qu'à ce moment là un fauteuil de jardin me servait de chaise de bureau. Aaah : mal de dos !
Me revoilà, toujours dépourvue d'un siège confortable, mais avec une envie d'écrire ce billet sur Banksy qui me démange. Et tant pis pour le mal de dos !
Underground, comme un rat
Si vous etes de bons élèves assidus, vous aurez remarqué que de temps à autre, je me plains à voix BASSE, parce que, oui, je suis juste un chouïa quelque peu ENERVÉE du manque de qualité de la vie en Grande-Bretagne.
Cela ne m'empêche pas, une ou deux fois par an, d'ouvrir les yeux sur les talents britanniques qui essaient de fleurir, et de redécouvrir les artistes plus établis, dont certains se recréent éternellement malgré la stagnation ambiante. "Artistes" : vous savez donc déjà que je ne vous parle pas de Damien Hirst, qui est pour moi le symbole du produit lourdingue étudié afin d'attirer l'attention des traders obsédés par ce que l'art peut "apporter" à leur High Net Worth. Ni de Guy Ritchie, pour lequel j'ai un petit peu plus d'affection, mais bon, qui est quand même assez gâté que pour faire des films (seulement avec des mecs, le pauvre) dans lesquels tous les dialogues semblent débités par la même personne.
Je trouve qu'au Royaume-Uni, comme presque partout en Occident, le meilleur est bien souvent underground, à moitié légal, fou, outsider, intello et arraché à la fois. Et surtout mais surtout, il n'est pas déprimant, mais au contraire à la fois réaliste et plein d'espoir. Il pointe sur ce qui cloche avec poésie et lucidité. On sent la douleur de l'artiste, mais aussi son manque de désir de se poser comme supérieur et juge. Et le meilleur symbole de ce mouvement, pour moi, c'est Banksy, dont la signature sur les murs de Bristol et de Londres est désormais légendaire. Banksy assume son profil underground; d'ailleurs, l'un des thèmes récurrents de ses graffitis sont les rats.
Qui est Banksy ?
Graffitiste pseudonyme
Banksy résume son constat cinglant sur le monde en jetant de la peinture sur les murs publics, de manière à la fois folle mais aussi réfléchie, sensible, mûre, chic et - oui - sexy. Ce faisant, il commet des actes illégaux, mais il ne le fait pas au hasard. Banksy exploite sa tribune comme un maître. Il a des choses à dire, il veut notre attention et il l'obtient, tout ca, sans que nous sachions qui il est.
Indices
Nous avons bien quelques indices, mais si peu, finalement, pour quelqu'un qui a commencé a laisser sa marque au début des années '90. De toute évidence, il vient de Bristol, puisque c'est là qu'il a débuté.
Certains disent qu'il est né en 1974 et qu'il était apprenti-boucher quand il a commencé à poser ses graffitis partout avec ses potes de DryBreadZ Crew. Certains disent que son vrai nom est Robert Gunningham ou Robin Banks, ou p'tet Robden. Mais cela n'a jamais été confirmé.
Pas mal d'insiders connaissent sans doute sa véritable identité, mais ils l'aiment assez pour faire ce qu'il leur a demandé: fermer leur gueule et ne pas la divulguer.
Interview
Il a donné une seule interview, en 2003 à Simon Hattenstone du Guardian, ce qui l'a de toute évidence dégouté des journalistes pour toujours. Je vous recommande absolument de la lire si vous kiffez le personnage. Il y a dit pas mal de choses : celle dont je me souviens le mieux, car tellement inattendue, est qu'il a décidé d'utiliser la méthode des pochoirs dans ses grafittis parce qu'il se sentait trop nul avec une bombe à peinture. Euh... for the record: j'aimerais etre nulle comme lui.
Il y a également dit qu'il avait commencé à faire des graffitis à quatorze ans simplement parce "mettre ton nom sur quelque chose qui ne t'appartient pas le rend tien. Tu peux posséder la moitié de la ville juste en mettant ton nom partout", comme ces étiquettes sur les cahiers de classe ou les vêtements à l'école.
Influences : Blek-le-Rat, Crass
Parce qu'il utilise pas mal la technique des pochoirs, il a été comparé à Blek-le-Rat qui opérait à Paris au début des années '80, ainsi qu'aux membres du groupe anglais punk-anar (désolée, je refuse d'utiliser le qualificatif "anarcho-punk", que je soupconne d'avoir été inventé par des sociologues hem... coincés) Crass. Ces jeunes gens de Crass, pas trop hyper-satisfaits du monde qui les entouraient, "stencilaient" les rames du métro londonien à la fin des années '70 (ils ont aussi fait une grosse blague à Margaret Thatcher et Ronald Reagan pendant la guerre des Malouines, mais c'est une histoire que je vous raconterai une autre fois).
.
Should it stay or should it go ?
Banksy ne demande à personne de payer pour jouir de son talent : il n'utilise aucunement ses droits d'artiste sur ses propres oeuvres. Il a un site web, mais il n'y vend rien. Comme il le fait dire au sans-abri qui fait la manche dans l'une de ses oeuvres majeures, reproduite au début de cet article:
"Keep your coins, I want change"
("Garde tes pièces, ce que je veux, c'est du changement")
Pour vous montrer l'humour du type, à la page "Shop" de son site (si, si : allez la voir) on peut lire ceci :
"Banksy ne fournit pas de cartes de voeux ni de gravures sur toile. Il ne travaille pas sur commission ni ne vend de bagels sortis tout frais du four. Prenez tout ce qui vous plaira sur ce site, et faites-en votre chose (usage uniquement non commercial, merci)."
"Échanges et service des réclamations: pestcontroldept@googlemail.com"
"Banksy n'est pas sur facebook/twitter/myspace etc"
J'admire Banksy parce qu'il laisse le monde qui l'entoure décider de garder ou de jeter son message. Un peu comme un blogueur... Et comme un blogueur qui craint que son travail soit jeté aux oubliettes, Banksy a peur que nous decidions de nous débarrasser de ses graffitis, en ordonnant à nos employés de voirie de les couvrir de chaux. Il a d'ailleurs fait plusieurs fresques magistrales sur ce thème :
Qui aurait envie de recouvrir ca, grrr, si ce
n'est l'employé de la voirie forcé par son chef ?
Sur Bansky, une question me tarraude : de quoi vit-il ? Il n'est surement pas un ange, qui vit de l'air du temps et du sourire des passants.
Il a bien accepté quelques commissions, comme de faire la couverture de l'album Think Tank de Blur, et des fresques aux Etats-Unis. Il a aussi réalisé un film "Exit through the gift shop", qui a été présenté au Sundance Festival cette année. Il avait également commencé à vendre ses sculptures; il en faisait deux copies de chaque: une qu'il vendait, une qu'il donnait. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce projet.
Il a dit lors de son interview au Guardian en 2003 que ses parents pensaient qu'il était peintre-décorateur. Ben ouais ! Et moi j'ai dit à ma maman que j'étais juriste, mais en vrai, je suis blogueuse, hein.
A bientôt !
Banksy : galerie
24 Jun 2010 12:53 AM (14 years ago)

LONDRES & BRISTOL
ISRAEL - TERRITOIRES PALESTINIENS
ETATS-UNIS

(Un exemple britannique)
Ami lecteur, me revoilà, toute pimpante et revigorée ! Oui, j'ai passé une semaine merveilleuse à lire des blogs de journalistes défendant les blogueurs, de blogueurs-stars se la jouant modeste et défendant les blogueurs médiocres, de blogueuses sensuelles défendant les blogs pour tous, journalistes ou pas. J'aime être rassurée, entendre que mon blog minable est beau et désirable et qu'il y a un but profond à mes élucubrations parfois délétères. Bon pour mon égo tout ça. Voui voui voui. Le merci !
Mais bon, ça va bien cinq minutes. Si je respire un bon coup et que j'utilise le neurone qui me reste après avoir essayé d'installer Google Analytics (très forte envie de barrer les cinq dernières lettres de ce mot, hem), je dois en déduire qu'il me faut de toute urgence écrire un billet à la gloire du journalisme. Oui, le Huffington Post et tout ça, c'est bien pour remplir le creux d'une dent, mais il faut bien admettre que ça flirte avec le nul quand même. Prétendre faire de l'info avec une équipe journalistique rachitique, c'est de la SF ou du SM. Ça fait du fric, me direz-vous: il y a donc quelque chose de bon à en tirer -> du jus de soussous.
Puis, les blogs indépendants, journaleux ou pas, j'adore, croyez-moi, mais comme on aime un bon vin pour accompagner de la grande cuisine. Et boire du vin sans manger, c'est mauvais pour la santé.
Pour me nourir, moi, je veux du billet long du New-Yorker, de l'enquête du New-York Times, de l'article de fond du Monde, et des couvertures sans filles à poil de Wired (etc). Journalistes sérieux, je vous kiffe, et j'invite fermement le reste du monde à faire de même. Educateurs des masses, transistors des ondes du monde qui bouge trop vite, porte-voix des gentils et des vilains, phares dans la tempête. Vision idéaliste ? Pas du tout, voyons, que du contraire ! J'en rajoute une couche, tiens ! Parfois, journalistes, vous êtes tout bonnement héroiques, si héroiques que vous changez le monde. Et voici un bel exemple:
L'exemple du scandale des notes de frais au Royaume-Uni
Trois journalistes peuvent être crédités d'avoir déterré, et rendu public au printemps 2009, le scandale absolu qu'était la manière dont les Membres du Parlement (MPs) britannique se rémunéraient eux-mêmes. En faisant cela, ils ont changé la donne des dernières élections législatives, et probablement de toutes les élections qui vont suivre. Mais surtout, ils ont forcé la Grande-Bretagne à commencer d'évaluer son déficit démocratique. Chapeau !
Voyez-vous, ces petits coquins de MPs, plutôt que d'adopter une loi impopulaire augmentant publiquement et légalement leur salaire, s'étaient cocquoctés un petit système de remboursement de notes de frais pas piqué des vers. Tout cela était bien hush-hush, personne n'en savait rien sauf eux. Certains avaient même soutenu qu'il aurait été destructif de modifier ce système, car plus personne ne voudrait plus se présenter comme MP s'il n'y avait pas de petits a-coté juteux si le public pouvait pénétrer dans leur sphère privée en obtenant leurs notes de frais.
Puis, en 2005, le Freedom of Information Act est entré en vigueur, donnant accès, sur demande, aux documents émis par des institutions publiques. Trois journalistes ont immédiatement fait des requêtes de documents à la House of Commons (chambre basse du Parlement) sur les notes de frais des MPs. Leurs noms: Heather Brooke, free-lance l'époque, Ben Leapman du Daily Telegraph et Jonathan Ungoed-Thomas du Sunday Times. Leur achèvement est tellement immense que la BBC en a fait un film, diffusé en février cette année. Leur combat a pris des années: ils se sont pris moult portes dans la figure et ont dû entamer une action en justice. Entretemps, la House of Commons a même tenté a deux reprises de s'exempter du Freedom of Information Act. Un comble du genre ! "Fais ce que je dis mais ne fais pas ce que je fais". Puis, les journalistes ont gagné, et tout est sorti dans le Daily Telegraph.
Sans la mise en lumière de ces abus, il est probable que les LibDems auraient obtenu beaucoup moins de voix aux élections du 6 mai, et qu'il y aurait eu un gouvernement majoritaire bien fort. Beaucoup plus de "vieux de la vieille" seraient restés au Parlement, qui ont dû être remplacés à la dernière minute par leurs partis parce qu'ils s'étaient rendus trop impopulaires avec leurs abus de notes de frais. En somme, il s'agit là d'une belle bouffée d'air démocratique. Espérons que ça dure .
Heather Brooke est considérée comme la chef de file du combat pour obtenir la transparence du Parlement britannique, parce qu'elle y a passé le plus de temps et mis le plus de moyens. Elle mérite d'être présentée:
Heather Brooke, activiste du manque de transparence
Il était une fois une jeune femme nommée Heather Brooke. Elle était née aux Etats-Unis de parents britanniques, et était devenue journaliste, d'abord à Olympia, dans l'Etat de Washington, puis en Caroline du Sud. A la fin des années 90, après avoir couvert plus de 300 meurtres pour le Spartanburg Herald-Journal, elle était vannée, et décida de rejoindre son père, qui était reparti vivre au Royaume-Uni après la mort de sa femme.
C'est le merveilleux article du New-Yorker du 7 juin 2010, Party Games, dont vous pouvez trouver un extrait ici, qui m'a fait redécouvrir Heather, dont j'avais vaguement entendu le nom l'an dernier, quand le scandale des notes de frais des parlementaires britanniques avait été mis à jour.
Lorsqu'elle était journaliste aux Etats-Unis, Heather faisait souvent des requêtes de documents publics, et avait pris l'habitude... de les obtenir facilement.
Après son arrivée au Royaume-Uni, c'est un problème dans son voisinage qui lui a fait découvrir le manque de transparence (euphémisme) des institutions locales et nationales. Précisons quand même que pour gérer ce problème de voisinage, elle a utilisé tous les trucs qu'elle avait appris en tant que journaliste pro.
En 2003, une jeune femme avait été assassinée dans son parc local, et Brooke avait demandé à la police et aux autorités locales des informations chiffrées sur les crimes similaires dans le quartier. Elle y mis beaucoup de temps, de patience et d'énergie et obtint... que dalle. Puis, plutôt que de devenir gaga et de broyer du noir, elle décida d'écrire un livre expliquant aux britanniques comment utiliser le Freedom of Information Act qui allait entrer en vigueur deux ans plus tard.
De là à s'intéresser aux notes de frais des parlementaires, il n'y avait qu'un pas. Grâce à son succès dans ce combat, elle a obtenu plusieurs prix, et a pu écrire son nouveau livre "The Silent State".
Voilà, c'était ma modeste présentation d'un bien joli combat pour la transparence, et contre la condescendance des élites gérant le pays. Un combat mené par des journalistes, et il y a plein d'autres exemples.
Journalistes : continuez, moi, je ne peux pas vivre sans vous.
A bientot !
Quelques références:
The Real Hero Of The Expenses Scandal , Mail Online
Dernier article de Heather Brooke, dans Wired, Investigation : a sharp focus on CCTV
Retrouvez Heather Brooke sur Twitter.

Ma spécialité, c’est plutot de mâcher des bouts de papier très lourds et peu ragoûtants et d’essayer d’en sortir des informations digestes pour ceux qui veulent bien (ou parfois, sont bien obligés de) me lire ou m’écouter. Alors, pourquoi ai-je eu l’idée saugrenue, oui, je me le demande, de faire une chose dont je ne sais rien : faire une interview ?
Concours de pipelettes ?
Interviewer, ca veut dire LAISSER PARLER quelqu’un d’autre, ce qui n’est pas évident quand on est une pipelette comme moi. Mais, il y a des gens qui quand ils parlent, et bien, je les écoute. Et Florence Desruol est top of the list. Car Florence, qui passe une grande partie de son temps à tweeter, a en fait une passion pour PARLER. Elle parle, de tout, de rien, et est aussi généreuse In Real Life ("dans la vraie vie") que dans ses tweets. Elle aime aider et donner. Elle distribue l’info comme une pluie rafraîchissante.
Ça fait qu’au total, et bien, au concours de pipelettes, je ne sais pas laquelle des deux bat l’autre ! Mais on peut dire sans trop se risquer que nos opérateurs téléphoniques respectifs sont contents, oui, très contents que @FlorenceDesruol et @IsabelleOtto papotent malgré la Manche qui les sépare et sont sorties du carcan des 140 caractères imposés par Twitter.
Je ne vais pas vous faire un long portrait de Florence. Vous savez probablement déjà qu’elle est incontournable sur Twitter France, comme le dit bien William Rejault ici. D’ailleurs, même si vous ne la followez pas, vous avez nécessairement sur votre Time Line (TL) des tweets en provenance directe des recoins secrets d’où elle tire ses informations à la sauce geekette, lol, féline ou complètement rocambolesque, en fonction de son humeur.
Une petite précision à mon tweetpote lyonnais, @idiot_duvillage, avant de commencer: Florence est bien lyonnaise et non pas arlésienne ! Pour le reste, je laisserai Florence peindre son propre portrait en utilisant la toile de mes questions .
I.O. Alors, tu existes vraiment ? (je te demande cela, parce qu'il paraît que certains ont suggéré que tu étais en fait un collectif de tweeteurs - il y a des théories similaires au sujet de Shakespeare: tu es en bonne compagnie, quoi ;-)
F.D. Oui bien sûr tu sais que j’existe! Je peux aussi confirmer que je suis seule à gérer le compte @Florencedesruol, que je ne suis PAS payée pour tweeter et que je ne paie personne pour le faire non plus. Quelques esprits chagrins dont je tairai le nom (bien que ca me gratte vachement de les balancer) ont dit le contraire, et je suis heureuse de pouvoir éclaircir cette affaire.
I.O. Si je mettais un p'tit fond musical pour les joyeux lurons qui vont lire ton itw sur mon blog, tu choisirais quoi?
F.D. J'aime bien les classiques des années 60/70 comme, par exemple, les Rolling Stones et David Bowie, mais aussi Iggy Pop, Led Zeppelin et plein d'autres. J’aime aussi les artistes indépendants d'aujourd'hui comme Robert Pollar, The Teenagers, The New Pornographers, Arcade Fire, the Besnard Lakes, Caribou, the Antlers, Animal Collective, Black Keys, etc. En revanche, j'ai beaucoup de mal avec MGMT et Vampire Week-End; je les trouve surfaits, quasi folkloriques.
Et puis, je joue du piano donc j’aime aussi la musique classique.
I.O. Super, alors, je te choisis deux morceaux qui vont bien ensemble, à mon avis: « Life on Mars ? » de David Bowie et le deuxième mouvement du deuxième concerto pour piano de Rachmaninoff :
I.O. Facebook, Twitter, blabla : c'est tout des trucs pour les "no-life", non?
F.D. Pas d’accord ! Si on sait les utiliser sans excès et en tirer le côté positif, c’est le contraire de la no-life (« vie fantôme »). Cela dit, ça fait longtemps que j'aurais effacé mon compte Facebook, s'il ne rassemblait pas quelques copains d’ « avant » : ceux qui étaient avec moi à l’école et pendant mes études, ceux que j’ai rencontrés lors de voyages ou au boulot. Ce sont en général des gens que je ne vois pas souvent mais que j'apprécie. Facebook m'a permis de les retrouver et de rester en contact avec eux. Sur ce compte, j’ai aussi accepté quelques twittos auquels je fais confiance, mais je t’avoue que depuis j'en ai viré quelques-uns par déception. Mon réseau professionel, tout comme ma famille et mes proches, ne sont pas sur mon Facebook.
Twitter, c'est un outil intelligent, un flux d'info. Ça me permet surtout de discuter directement avec des journalistes, des politiques, des publicitaires, des étrangers ou des expats comme toi, de m'enrichir de ces rencontres url mais aussi IRL, et des infos que j'y rassemble. C'est aussi mon seul outil d'expresion sur Internet, je n'en utilise pas d'autre: je n'ai pas de blog et je ne mets jamais de commentaires sous les billets des autres ou sous les articles des journaux.
I.O. Comment es-tu arrivée sur Twitter ? (Moi j’y suis arrivée par la musique; un des premiers comptes que j’ai suivis était celui de Luc Vinogradoff, critique musical au Monde)
F.D. Au début, j'y suis allée pour rejoindre deux amis américains qui m’ont presque forcée... C’était LE truc à faire aux Etats-Unis à ce moment là ! Puis j’y ai entrainé @cyrilpaglino et @toniohhoguel. Au départ, on ne savait pas trop ce qu'on faisait là. Je suis arrivée au moment où Twitter se démocratisait un peu. J’ai eu cette chance. J'ai commencé par suivre @HenryMichel et sa liste de recommandations. Je tweetais essentiellement sur secretstory3, et sur l’actualité, les buzz de l'automne dernier (le fils de Sarko à l'EPAD, Frédéric Mitterand et ses voyages en Thailande...), puis j'ai cherché à faire différent en allant lire les billets anglo-saxons.
I.O. Colle ici une photo de l'endroit que tu aimes le plus au monde:
F.D. C'est une photo que j'ai postée sur Twitter un joli dimanche de mai:
C'est là mon havre de paix. J'aime aussi beaucoup la côte d'Azur, où j'ai passé toutes mes vacances d'enfance, à Cannes et à Nice. Puis je suis une fan des USA !
I.O. « investir de l’affectif dans des gens qu’on a jamais vus n’est pas porteur » : un concept qui a de l'avenir?
F.D. Même si je le voulais, je pense que je ne réussirais pas à ne pas mettre un peu d'affectif dans Twitter, après tout, il y a de vraies personnes derrière les avatars, il y a des gens que j'aime vraiment retrouver sur ma TL le matin. S'ils ne sont pas là, ils me manquent. Cela dit, il faut faire attention, comme dans la vie d'ailleurs, parce qu'il y a aussi beaucoup de déceptions potentielles au tournant.
I.O. Tu kiffes plus Indiana Jones ou Robin Des Bois ?
F.D. Hihi, je n'aime pas trop les heros, tu sais. J'aime admirer les gens qui ne se rendent pas compte à quel point ils sont bons à faire certaines choses, ou ceux qui s'améliorent avec le temps. D'ailleurs, dans mon adolescence, je n'avais pas de posters de chanteurs ou d'acteurs sur les murs de ma chambre! Pour moi, le charme compte beaucoup, ainsi que la sensibilité et la bienveillance, la générosité et l'humour.
I.O. Pour ton anniversaire: pique-nique au champagne ou bungee jumping?
F.D. Bungee ?? C'est quoi ? Je suis très champagne et pas du tout camping. Voilà .
I.O. Ah Ah ! Camping ? C'est quoi ?
I.O. La télé, tu la regardes encore ou tu la mets juste pour ton chat?
F.D. Pour mon chat, comment l'as-tu deviné? Je devrais sans doute la regarder plus, mais si je le faisais, je ne regarderais pas de films: je préfère les talk-shows, les débats, les vrais trucs, quoi. J'aime bien la Ligne Jaune de @guybirenbaum sur Arrêt Sur Images, donc sur... Internet !! Eh oui, que veux-tu? Internet c'est trop bien . D'ailleurs, Parlons Net de @DavidAbiker est super aussi .
I.O. Pourquoi t'es pas allée vivre à Paris comme tout le monde? A cause des crottes de chien? F.D. Mais non, voyons ! Paris, j'y ai vecu pendant sept ans et j'adore !!
I.O. Les femmes sur le web 2.0: des mouches ou des araignées?
F.D. Elles ne tissent pas leur toile ensemble, elles sont dispersées, pas comme les mecs qui font leur petites confréries sérieuses ou rigolotes, ou les deux en même temps, en fonction. Puis je trouve qu'en moyenne, on ne les prend pas au sérieux: il y a beaucoup de sexisme, comme dans la vraie vie. J'en ai d'ailleurs moi-même fait les frais.
I.O. Beaucoup de followers: un poids ou une émancipation?
F.D. Ça fait très plaisir, je ne vais pas te dire le contraire, mais c'est aussi une responsabilité. On me dit que c'est la rançon de la gloire. Mais je ne suis pas d'accord, parce que je ne suis pas vraiment une star de Twitter: personne ne me retweete aveuglément, je n'ai pas de "fan club". Je ne vois pas trop ou est la gloire, quoi...
Je me fais aussi attaquer, une autre des rançons de la gloire on me dit, comme si le nombre d'attaques augmentait nécessairement avec le nombre de followers. Mais je remarque souvent que les hommes qui ont un profil élévé ou les femmes journalistes ne sont pas attaquées de la sorte. En France, Twitter a été une sorte de chasse gardée des journalistes pendant longtemps, et les non-journalistes comme toi et moi qui font tourner l'info, j'ai l'impression que ça en énerve certains, comme si on leur faisait de la concurrence déloyale.
I.O. Je suis spécialiste de droit de la concurrence, et je peux te confirmer qu'il ne s'agit pas de concurrence déloyale. Au contraire: une injection saine d'idées nouvelles aide tout le système, comme nombre de journalistes le reconnaissent, d'ailleurs.
F.D. Je note également que dans la catégorie "fille qui tweete", celles qui sont clairement là pour y trouver un/des mecs ne sont pas trop attaquées non plus... ;)
Enfin, beaucoup de followers, ça réduit nécessairement les échanges humains, mais il faut dire que je me rattrappe bien par Messages Privés, ou au téléphone si affinités. Comme tu le sais, j'adore parler au téléphone !
I.O. C'est quand que tu viens me rendre visite à Londres?
F.D. Soon very soon. Et toi?
Bon ben voilà, une belle interview, qui m’a gagné une jolie invitation pour aller boire du champagne à Lyon. Merci, Florence ! Ici Londres, à vous les studios.
A bientôt !
Isabelle Otto

Allez, avouez que le titre de ce billet vous fait frémir. Non mais quoi, Google nous rentre déjà par tous les pores de la peau, et en plus - quel culot - le moteur de recherche tout-puissant serait le messie rédempteur de la presse ? C'est vrai que j'ai moi-même ressenti un brin d'irritation en lisant le titre de l'article très fouillé "How To Save The Press" (James Fallows, The Atlantic, juin 2010) qui, de manière d'ailleurs énervante, ne mentionne même pas Google dans son titre .
Nous sommes, après tout, habitués à lire le contraire: Google est en train d'étouffer la presse et en tirera jusqu'au dernier souffle de vie. Une fois cette opération réussie, je schématise, l'info serait une purée uniforme régurgitée par autant de clônes photoshopés sans conscience, des espèces d'anti-Hunter S. Thomson terrifiants de naïveté et d'égoïsme, manquant d'imagination au point de se laisser avaler totalement par la machine à fric esclavagiste. Brrr, ca fait peur, non ?
Malgré mon dégoût initial, j'ai décidé de lire attentivement l'article de Fallows. Une fois correctement saucissonné, il se divise facilement en deux parties : d'une part le constat de Google sur l'état de la presse, et de l'autre, les solutions proposées .
Le constat de Google sur l'état de la presse
Pas d'avenir économique pour la presse écrite. Hal Varian, le "Chief Economist" de Google, dit ceci du modèle économique sur lequel fonctionne la presse écrite: "Si on faisait table rase et qu'on recommencait, on ne choisirait jamais le modèle actuel. Faire pousser des arbres, en faire de la pâte à papier, puis expédier les rouleaux du Canada? Faire passer les rouleaux dans des rotatives qui coûtent les yeux de la tête, les couper en tranches qui doivent être distribuées illico à des milliers de gens, kiosques, boutiques, ou les surplus du jour précédent deviennent immédiatement obsolètes et doivent être jetés? Qui dirait que ça a le moindre sens?" J'ajouterai, à titre personnel: faire travailler des enfants très tôt le matin, avant l'école, pour assurer cette distribution ? Les Francais qui se plaignent de ne pouvoir avoir leur journal dans leur boite-aux-lettres avant sept heures du matin n'ont jamais vu ces enfants, le plus souvent élèves à l'école primaire, distribuer porte-à-porte parfois à partir de cinq heures du matin. Moi, oui, et je trouve ca dégueu : d'ailleurs, j'achète plein de journaux mais je n'ai pas d'abonnement .

Val Harian ajoute un élément dont je ne me rendais pas complètement compte: à cause, notamment, de ces coûts énormes d'imprimerie, la plupart des journaux dépensent seulement 15% de leur revenu sur ce qui est leur seul véritable actif de valeur: les journalistes . Comme contre-exemple, il cite le Wall Street Journal et le New York Times, qui dépensent plus pour leurs journalistes que pour les frais d'imprimerie et de distribution. Mais ils constituent une exception.
Ajoutez à cela la révolution Internet et la baisse des revenus publicitaires de la presse écrite de ces deux dernières années, et vous avez la réponse Google: il ne s'agit pas nécessairement pour les éditeurs de laisser tomber la presse écrite, mais elle ne fera probablement pas partie du futur modèle économique des journaux. Il s'agirait (et ce sont mes mots pas ceux de Google) d'un poids mort dont il faudrait faire en sorte qu'il ne pèse pas trop sur les finances.
Des problèmes pour lequels la presse ne devrait pas se battre le flanc. La vision de Google de la cause des problèmes n'est pas condescendante: les medias traditionnels ne sont pas une arrière-garde obsolète, et les journalistes ne sont pas un tas de losers antédiluviens pathétiques. Comme Fallows l'écrit, la perception prépondérante chez les cadres de Google est que "ce qui arrive à la presse est dû à d'énormes changements technologiques, et non à la myoperie ou à la vision réactionnaire des éditeurs, rédacteurs et propriétaires de journaux ."
La solution est à chercher online. Pas très étonnant et pas trop neuf non plus, les pontes de Google disent à la presse de favoriser l'expérimentation d'une solution sur la partie en ligne de leurs affaires, qui est d'après eux la seule qui sera, à terme, économiquement soutenable. Mais ils admettent que les prochaines années n'auront rien de simple .
Entre deux feux. Les journaux sont maintenant entre deux feux: (1) le coût énorme de la machine ancienne dont ils ne peuvent pas encore se débarrasser et (2) l'expérimentation onéreuse en ligne, qui rapporte des revenus publicitaires et en abonnements encore frugaux par rapport aux temps les meilleurs de la presse écrite. Dans le marché actuel, par exemple, les coûts administratifs pour placer une pub en ligne peuvent atteindre jusqu'à 30% de la valeur de la pub, contre seulement 2 ou 3% dans la presse écrite .
Trop d'uniformité? Krishna Bharat, qui est le cerveau derrière le tentaculaire "Google News", considère que l'un des autres problèmes majeurs de la presse, surtout en ligne, est la production de contenus trop uniformes. D'après lui, les journaux se jèteraient tous sur les mêmes nouvelles, traiteraient l'information de manière similaire et pousseraient leurs journalistes dans une logique de production acharnée d'articles fades et sans valeur ajoutée. Je ne peux pas dire que je ne perçois pas la même tendance, et nombre d'entre vous savent à quel point j'aimerais pouvoir dire le contraire...
Il y a une solution. Eric Schmidt ajoute qu'il a énormément d'espoir pour la presse, tout simplement parce que le problème ne se situe pas dans la baisse de la demande d'information, au contraire. La demande est là et c'est ce qui compte. Selon lui, il suffit de trouver un "business model" pour rentabiliser les "globes oculaires", c'est-à-dire le nombre de personnes qui lisent tel ou tel article. En résumé, pour Google, il n'y a pas le moindre doute que d'ici dix ans, la presse sera robuste et mieux financée. Ce qui arrivera l'année prochaine est moins clair. Leur conseil à cet égard: expérimenter, expérimenter et expérimenter de nouvelles solutions en ligne .
Les solutions proposées n'impliquent pas Superman
Les solutions proposées par les cadres de Google - telles que présentées dans l'article de Fallows - n'impliqueraient en rien le remplacement de nos bons vieux journalistes terriens par des petits supermans Kriptoniens cachant des justaucorps en spandex derrière des allures de reporters myopes. Non, rien d'aussi spectaculaire. Les journalistes pourraient garder leur âme, considérée comme la clé de voûte du système, ou les fondations. Comme un truc vachement important pour tenir la barraque ensemble, en tout cas. Ouf .
Essayer tous azimuts
En bref, l'esprit de Google est en premier lieu, de croire qu'il y a une solution, ou plusieurs, et d'essayer, tout ce qui pourrait être une solution. Car, "rien ne marchera sûrement mais tout pourrait peut-être marcher" (Clay Shirky, Newspapers and Thinking The Unthinkable, 2009).
Oui, vous avez bien lu: il faudrait E-SSA-YER, oui, essayer tout et son contraire, essayer pour vérifier ce qui marche et ce qui ne marche pas. Trève de blablas improductifs: il s'agit d'agir. Dans tous les sens. Maintenant. Hier. Allez, zou! Le problème que perçoit Google avec cela (là c'est moi qui schématise) c'est que les éditeurs et journalistes sont plus habitués à développer des idées qu'à se lancer à corps perdu dans de nouveaux plans d'affaires risqués... Meuh non ! Il faut juste les aider un peu et leur donner des raisons d'espérer, moi je dis !
Mais attention, ils restent très modestes, les petits gars de Google. Ils ne veulent pas se faire mordre, vous savez. Prenez par exemple Nikesh Arora, president des opérations globales de vente. Il admet que Google ne connaît pas aussi bien les journaux que les journaux se connaissent eux-mêmes, et qu'il est en conséquence improbable que Google puisse résoudre les problèmes de la presse mieux que les spécialistes du secteur .
(là c'est le point dans l'écriture où j'éprouve une tentation quasi-irresistible de vous dire d'aller lire l'article vous-mêmes...mais je tiens bon! Argh) .
Distribution, engagement, monétisation.
Vous avez déjà entendu l'adage "Distribution, Engagement, Monétisation" (D.E.M.) mille fois. Il vous lasse et vous fait bailler. Pire, il vous rappelle la fac. Qu'à cela ne tienne: le voici à la sauce Google. C'est pour votre bien.
Distribution: trouver des moyens d'attirer plus de lecteurs sur les sites d'information sans qu'ils s'aperçoivent trop que c'est juste pour avoir du flux à montrer aux publicitaires .
Engagement: rendre l'information plus intéressante, et engager le lecteur sans qu'il se rende trop compte qu'à terme, c'est pour lui soutirer son argent . Ça c'est la partie que les gestionaires de journaux ont vraiment du mal à cerner. Oui, là-dessus, je l'avoue, je suis plutôt bien d'accord avec Google. Y a encore du boulot à faire...
Monétisation: convertir tout ce boulot de subjugation du lecteur en cash bien mérité. Pour cela, il faudrait améliorer grandement la pertinence, la qualité et la rentabilisation des pubs en ligne et mettre en place des sytèmes d'abonnements pas trop lourds pour les journaux qui souhaitent charger pour leur contenu .
Bah, moi je dis, "Oui à D.E.M !". Je veux bien payer ou être utilisée pour attirer des publicitaires. Mais, attention, seulement si c'est pour rémunérer des journalistes qui font du boulot de qualité, qui ne sont pas des clônes lyophilisés par la logique du flux (à ce sujet, voir le billet-plaidoyer de Jean-Christophe Féraud, I wanna be a Gonzo Journaliste, mars 2010), et qui me laissent faire un petit commentaire laminatoire de temps en temps sans me traiter avec condescendance.
Mais : je n'ai pas envie de prendre un abonnement par ci, et un abonnement par là, et je ne veux pas non plus être pieds et poings liés à un seul journal. Au kiosque, je peux changer de journal tous les jours, non mais quoi! Une solution à cela? Je ne l'ai pas trouvée dans l'article, mais évidemment, les choses intéressantes, les agents de Google vont les garder pour eux-mêmes, pour les développer en secret et être les premiers à en tirer du cash quand le moment viendra...
En attendant, journaleux, prenez l'espoir que nous donne Google dans le journalisme: "LOOK UP" !
Isabelle Otto
.

Ils se ressemblent, ils ont presque le même age, ils ont le même genre de "background" . Ils sont beaux, ensemble, non ? J'ai nommé, le nouveau Premier Ministre britannique, David Cameron et son "Deputy Prime Minister", Nick Clegg . Quelles choses horribles se sont-ils dit pour en arriver à former un gouvernement de coalition ? Quels deals faustiens secrets se sont-ils engagés à respecter sans aucune intention de le faire ? Eh, si j'avais été une petite souris, je le saurais peut-etre, mais je n'aurais pu vous en informer . Quoique... il y a des jours ou le clavier de mon BlackBerry me semble plus adapté à des pattes de souris qu'à mes gros doigts maladroits . Est-il juste qu'ils aient formé une coalition ? Oui . L'avenir sera-t'il serein ? Non .
Une coalition difficile mais nécessaire
Pour ceux qui ont lu mon billet précédent, vous saurez que la formation d'un gouvernement de coalition entre les Conservateurs de David Cameron et les Libéraux Démocrates menés par Nick Clegg me semblait être la meilleure solution en l'occurrence . Il est intéressant que certains d'entre vous en ont déduit que je favorisais politiquement Cameron, car il n'en est rien . Mon analyse était celle d'une démocrate convaincue : les Conservateurs ont obtenu le plus de sièges et de voix , ils doivent donc gérer le pays . Ils n'ont pas assez de sièges pour faire passer des lois à la Chambre des Communes ? Il leur fallait donc former une coalition, de préférence forte . La démocrate convaincue sera là aussi pour critiquer les mesures prises et les petites lachetés émaillant la route... Il s'agit de garder les yeux ouverts, toujours . Un gouvernement minoritaire trop risqué
L'alternative était pour David Cameron de former un gouvernement minoritaire, composé seulement de Tories, et de conclure des accords avec tel ou tel parti ou groupe de députés au cas-par-cas afin d'obtenir l'adoption de lois . Une telle solution n'aurait pas été viable à long terme, et supposait l'organisation de nouvelles élections législatives plus tard cette l'année . Mais, comme je vous l'avais dit, cette option n'était viable que si les Tories avaient une bonne chance de vaincre haut la main à ce nouveau scrutin . Ils ont évidemment fait leurs calculs, et ont sagement conclu qu'il ne s'agissait par là d'une opération les doigts dans le nez .
Tories et LibDem : la chèvre et le chou ?
Il est assez douloureux pour moi de voir la presse britannique se moquer de politiciens prêts à faire des compromis afin de former une coalition . Le compromis n'est pas considéré comme une force, ici : c'est un stigmate de la faiblesse , et non une méthode pour aller de l'avant en rassemblant et en synthétisant le plus d'opinions possibles . Eh oui, c'est bien pratique d'avoir un Premier Ministre avec un gouvernement uniforme et qui a la garantie, pendant cinq ans, que la Chambre des Communes dans laquelle son parti a la majorité absolue va adopter absolument n'importe quoi, ou presque . Démocratie intermittente : chaque cinq ans . Le reste du temps : force de frappe et aucun "checks and balances" . Tu parles d'une méthode pour aller droit dans le mur ...
Bien entendu, avec un tel héritage, les politiciens britanniques ne sont en général pas habitués à construire ensemble une vision transcendante - "cross-party" - de la société . Ils sont ou meneurs ou menés . Et c'est là que le bât blessera peut-etre . Mais Cameron et Clegg sont tous deux assez jeunes et frais pour aller de l'avant sans regrets du "bon vieux temps", et pour avaler leur orgueil quand il le faut . D'ailleurs, le pays le leur demande : le résultat du scrutin était clair .
Ils ne sont pas d'accord sur nombre de sujets ? Qu'à cela ne tienne ! La priorité absolue de Nick Clegg sera -et c'est juste- d'obtenir la réforme du scrutin pour introduire de la proportionelle là ou il n'y en a pas du tout . Pour le reste, les choses à faire sont les choses à faire : réduire le déficit rocambolesque étant la plus importante . Ils diffèrent sur l'immigration ? Pfff, l'immigration n'est plus vraiment un sujet, maintenant : il y a beaucoup moins d'étrangers qui se bousculent au portillon qu'il y a quelques années . Et ils le savent . C'était de la pourdre aux yeux électorale .
Vous avez dit Deputy Prime Minister ?
Nick Clegg est donc Deputy Prime Minister, c'est-à-dire une espèce d'OVNI politique . L'article de Wikipedia sur ce sujet (qui est déjà à jour : bravo Wiki!) nous dit d'ailleurs qu'il s'agit nornalement d'une position honorifique . Mais peut être pas . Comment Clegg va-t'il remplir cette fonction un peu vidasse ? Vous le saurez en suivant le prochain épisode .
Je précise tout de même que je vais abandonner la politique britannique pour quelque temps, pour m'intéresser de près au financement de la presse et écrire quelques billets dignes d'une membre de Twitterholics Anonymous . Laminera, laminera pas ? Voyons voir ...
A bientôt, donc .
Isabelle Otto
Bon, je ne kiffe pas trop la City, mais parfois j'y vais, et force est de constater qu'elle devient de plus en plus belle . Quand j'y étais allée le 27 avril, j'avais fait un petit twitpicage de ma visite . Pour les Terriens non-Twittériens, un twitpicage est l'envoi de photos par Twitter en utilisant le logiciel Twitpic.
Voici les images que j'avais envoyées, et quelques extras :
Les jolis pubs de Leadenhall Market :
Prise de vue inhabituelle de la Natwest Tower:
On ne peut pas dire que les rues autour du Gherkin...
...soient trop féminisées, huh ?
Le but de ma visite : rendez-vous et apéro dans ce bâtiment iconique : 30 St Mary Axe, que tout le monde appelle le Gherkin. Comme partout dans la City, on est jamais loin d'une caméra (1200 sur 1.2 mille carré au dernier compte)
Un mec qui fait un bras d'honneur, dans le hall du Gherkin ? Quelle provoc', dis donc ...
Le sommet du bâtiment . On dirait un ovni, non ?
Le restaurant, qui malheureusement n'est pas ouvert au public pour des raisons de sécurité :
La future Heron Tower, vue du Gherkin. Un projet qui n'en finit pas de ne pas être terminé :
Vue de la Tamise, vers Westminster :
Il est temps d'aller prendre le métro pour rentrer . Oh, tiens, un nouveau resto à Leadenhall Street : "Revolution" dans la City ? Ca ne va pas arriver demain, mais c'est peut-etre un concept commercial qui marche ...
Je passe devant le très chic Royal Exchange, transformé en centre commercial, et j'y entre pour prendre une 'tite photo de la cour intérieure :
Je prends un des journaux qui jonchent la râme de métro...
Et Voilà ! C'est Jamie Oliver qui le dit, c'est pas moi :
A bientôt,
Isabelle Otto

Voilà, voilà, les Britanniques ont voté, les résultats ont été confirmés il y a quarante-huit heures, et ils n'ont toujours pas l'ombre de l'idée de comment commencer à réfléchir à faire un gouvernement . Bon, j'exagère un brin, mais à peine, je vous assure. Les marchés financiers, heureusement fermés pour le week-end, et malheureusement déjà pas mal secoués par les évènements grecs, vont jouer les montagnes russes . La livre a fait un plongeon vendredi... et s'il n'y a pas d'annonce de gouvernment demain, euh... Si vous avez des dollars, c'est p'tet le moment d'acheter de la sterling . Ou p'tet pas . Allez savoir .
Les résultats
Au Royaume-Uni, le seul moyen d'obtenir le droit automatique de former un gouvernement est de gagner la majorité absolue des sièges de la Chambre des Communes aux élections législatives, soit 326 sièges . Tout autre hypothèse laisse le champ ouvert aux négociations entre partis et aux discussions très privées avec la Reine . En attendant, le Premier Ministre sortant, en l'occurrence Gordon Brown, peut ou non rester à son poste . Nous sommes dimanche 9 mai, il est 15.32 et que je sache, il n'a pas démissionné .
Et pourtant, il y a un parti largement majoritaire aux élections, aussi bien en sièges qu'en votes : En effet, les résultats sont très clairs :
Conservateurs : 306 sièges et 36.1% des voix
Travaillistes : 258 sièges et 29% des voix
Libéraux Démocrates: 57 sièges et 23% des voix
Unionistes Democrates : 8 sièges et 0.6% des voix
Nationalistes Ecossais : 6 sièges et 1.7% des voix
Petits calculs - Comment arriver à plus de 326 sièges ?
Conservateurs (306) + Libéraux Démocrates (57) = 363
Conservateurs (306) + Travaillistes (258) = Dictature
Travaillistes (258) + Libéraux Démocrates (57) = 315 -> Essai non transformé
Travaillistes (258) + Libéraux Démocrates (57) + Unionistes (8) + Nationalistes (6) = 329 -> Tout ça pour ... ça ?
Les deux options réellement viables
La première option est que David Cameron forme un gouvernement minoritaire Conservateur, sans coalition avec d'autres partis . S'il choisit cette option, il sait déjà qu'il aura beaucoup de mal à gouverner, puisque pour chaque décision qui requiert un vote parlementaire, il devra former des accords ad hoc avec tel ou tel autre parti afin d'obtenir la majorité des votes à la Chambre des Communes . Un tel mode de gouvernement n'est pas soutenable à long terme. C'est pourquoi, s'il est sage et bien conseillé, David Cameron ne choisira cette option QUE s'il est CONVAINCU qu'il pourra obtenir la majorité absolue à de nouvelles élections organisées plus tard cette année . A titre comparatif, sachez qu'aux élections de 1974, qui n'ont pas donné de majorité absolue non plus comme je vous l'avais expliqué la semaine dernière, le leader Travailliste Harold Wilson a choisi cette option alors qu'il avait obtenu seulement 301 sièges à la Chambre . Et ça avait roulé pour lui, puisqu'aux élections d'octobre 1974, il a obtenu tout juste une majorité absolue avec 318 sièges . Oui, parce qu'à ce moment là, il y avait non pas 650 mais 635 membres de la Chambre... Mal au crâne ? Moi, oui .
La deuxième option raisonable (oui, je vous le répète, je ne parlerai que des options raisonables et pas des contes de fées) serait pour David Cameron de s'associer aux Libéraux Démocrates, en faisant avec eux des accords préalables sur la future législation à faire passer au Parlement, et en leur offrant des postes au Gouvernement . A l'heure qu'il est, ils sont en train de discutailler ensemble, et nul doute que les couteaux sont tirés sur la pomme principale de discorde entre les deux partis : La Réforme Electorale .
La réforme électorale
Les Libéraux Démocrates veulent une modification du mode de scrutin afin d'y introduire une dose de proportionalité, ce qui permettrait à leur parti d'obtenir un nombre de sièges plus en accord avec le nombre de voix qu'ils récoltent au niveau national . En effet, avec 23% des voix au compteur, ils n'obtiennent que 8.8% des sièges de la Chambre des Communes. Les Travaillistes, qui ont 6% de votes en plus, ont obtenu 39.7% des sièges ! Non mais quoi, toute considération politique mise à part, il faut corriger tout ça, et il s'agit là d'une belle opportunité démocratique . Sauf que, bien entendu, les Conservateurs ne l'entendent pas de cette oreille. Enfin, pas tous, Douglas Carswell, un député Conservateur qui vient d'être réélu à Clacton, a soutenu hier dans son blog l'introduction de proportionalité dans le scrutin . +1, comme on dit sur Twitter !
L'opinion publique irait également dans ce sens. En effet, selon un sondage organisé par ICM et The Telegraph le 8 mai, 48% des répondants étaient en faveur de la proportionnelle... et seuls 39% souhaitaient conserver le système majoritaire actuel .
Des résultats mis partiellement en doute
Il faut aussi savoir que les résultats des élections du 6 mai sont partiellement remis en doute dans certaines circonscriptions par des allégations de fraude, dont certaines assez graves. Il semblerait que depuis vendredi, la police aurait recu 81 plaintes en cours d'enquête... Certains commentateurs parlent de conditions de scrutin dignes d'une république bananière ou d'un pays du tiers monde . Des observateurs kényans qui ont suivi le scrutin du 6 mai ont même dit que le système électoral britannnique est moins sûr que celui du Kenya et serait celui du monde le plus vulnérable à la corruption, parce qu'il est fondé sur la "confiance" et n'exige pas de vérification de l'identité des votants . Je confirme : je suis allée voter pour les élections locales qui se tenaient également le jeudi 6 mai : je n'avais par ma carte d'électeur parce que mon Council ne me l'avait pas envoyée, et je n'ai dû présenter aucune forme d'identification . Spooky .
On n'a pas fini de se marrer,
Isabelle Otto

Pour les bons élèves assis au premier rang de ce blog, pas de surprise. Puisque vous êtes assidus et sérieux , vous savez déjà qu'il est improbable que l'un des trois partis principaux aux élections législatives britanniques du 6 mai obtienne la majorité absolue des sièges à la Chambre des Communes, c’est-à-dire 325 ou plus. Or, seule une majorité absolue de ces sièges garantit la nomination comme Premier Ministre du candidat de tel ou tel parti. Le défaut de majorité absolue possède un nom qui va bien avec son caractère, perçu comme dramatique ; "hung parliament" ("parlement pendu"). Selon les derniers sondages, en date du 3 mai, les Conservateurs obtiendraient entre 33 et 35 % des voix, les Travaillistes 28 % et les Libéraux Démocrates 27 ou 28 %. Je n’ai trouvé aucune évaluation chiffrée crédible du nombre de sièges que ces voix pourraient représenter. Pour vous donner une idée, aux élections législatives de 2005, les Travaillistes ont obtenu 356 sièges avec 35.6 % des votes, les Tories 198 sièges avec 32.3 % des votes, et le LibDem 62 sièges avec 22.1 % des votes. Pas étonnant que l’on parle d’instaurer enfin un brin de proportionalité dans ce pays d’ici à 2015, mais c’est un autre sujet...
Vendredi 7 mai, la Reine Elizabeth, qui nomme le Premier Ministre, sera probablement au milieu d'un cyclone politique. Mais elle est tenace et a déjà vu ca avant, en 1974, pour être exacte. J'avais deux ans, et je m'en souviens comme si c'était hier... Pfff, non, en fait, j'ai du bachoter pas mal pour vous faire ce résumé succint de l'expérience de 1974 . Il est important d'en parler ici car ce cas sera mentionné très souvent en cas de d'absence de majorité absolue, et mon but dans la vie n'est autre que de vous donner une longueur d'avance quand il s'agira de donner un sens aux tumultes post-élections.
Manque de clarté ou envie de changement ?
Je me suis tapée, en particulier, un papier pas très digeste de la Hansard Society et du Study of Parliament Group qui soutient que tout résultat qui ne donnerait pas une majorité absolue à l’un des partis serait un résultat « manquant de clarté ». Mais voyons, cessons ces jérémiades qui bénéficient aux vieux de la vieille de la politique britonne et garantissent le status quo. Pas clair, un résultat forçant les partis à dialoguer un tant soit peu entre eux ? Au contraire, il me semble : ce serait un message limpide de l’électorat en faveur d’un peu plus d’équilibre dans l’exercice du pouvoir exécutif .
1974, Une bien belle année
Ah, 1974, une bonne vieille année de guerre froide ! L’année où fut inauguré l’aéroport Charles de Gaulle, que tout un chacun continue d’adorer; l’année de la publication de Carrie de Stephen King et de la Révolution des Oeillets au Portugal. L’année de la Coupe du Monde de football en République Fédérale d’Allemagne et, surtout, oui surtout, l’année de naissance de Hillary Swank et Leonardo DiCaprio.
Bon, ce fut aussi, de triste mémoire, l’année où le Royaume-Uni connut non pas une, mais deux élections législatives .
Le premier srutin avait eu lieu le 28 février. Aucun des partis en lice n’avait obtenu la majorité absolue de 325 sièges, et le parti au pouvoir, les Tories, s’il avait bénéficié d'une très courte majorité des voix (37.9 %, contre 37.8 % pour le Labour), était déficitaire en sièges (297 sièges contre 301 pour le Labour) . Ce genre de chose pourrait arriver à nouveau demain !
Le Premier Ministre Tory sortant, Edward Heath, décida malgré tout de rester à son poste. En effet – et notez bien ceci- si aucun parti n’obtient une majorité absolue, le Premier Ministre n’a pas l’obligation de démissionner, en tout cas jusqu’à ce que le Parlement passe un vote de « no Confidence » ... Après l'échec de ses négociations pour former un gouvernement de coalition avec Jeremy Thorpe, le leader du parti libéral de l’époque (qui avait obtenu 19.35 % des votes et remporté ...14 sièges), Heath fut contraint de démissionner et Harold Wilson, chef du parti Travailliste, fut nommé Premier Ministre . Wilson demanda à la reine de dissoudre le Parlement plus tard dans l’année, et celle-ci le lui accorda, Ces élections générales, tenues le 10 octobre, donnèrent à Wilson une courte majorité à la chambre .
Traduction pour l’année 2010
Même si son parti perd les élections, Gordon Brown est privilégié politiquement parce qu’il n’est pas forcé de démissionner si les Conservateurs et, encore moins vraisemblablement vu l’éparpillement de leurs électeurs, les LibDem, n’obtiennent pas la majorité absolue des sièges à la Chambre. Il est libre de rester à son poste et de tenter de former une coalition avec les LibDem, si tant est qu’ils puissent rassembler la majorité des voix, et donc la confiance de la Chambre des Communes .
C’est pour cela que David Cameron ne va pas dormir jusqu’à demain soir, qu’il va continuer sa campagne sans relâche : il sait que s’il n’obtient pas cette fichue majorité absolue, il est très probable que le Labour et les LibDem vont former un gouvernement de coalition, d’autant plus qu'ils se sont assez ouvertement fait la cour. Ce gouvernement aurait, en fonction du nombre de sièges de ces deux partis, de grandes chances d’obtenir la confiance de la Chambre des Communes . Mais, oulala, s’ils font cela et que les Tories ont la majorité relative des voix et des sièges, ouch pour la démocratie britannique ! Former un exécutif sans le parti pour lequel ont voté en majorité les électeurs, ca risque de coincer aux entournures ...
A demain, donc !
Isabelle Otto

J'ai sué sur mon dernier billet de blog, et je suis en train de m'exténuer sur le prochain, qui sera très "Twitterland", je vous préviens.
En attendant de vous donner ce nouvel os à ronger, j'ai décidé de vous faire cadeau d'une petite friandise, en vous donnant l'opportunité de partager ici votre pronostic sur les résultats des élections législatives britanniques du 6 mai . Bien entendu, vous pouvez trouver quelques indices dans mon billet précédent, mais également dans les sondages diffusés quotidiennement sur Twitter par Tweetminster, une petite boite qui monte, qui monte (et qui suit l'une des voies de l'info qui ont un bel avenir sur le web, si vous me demandez mon avis) . Pour vous assister, utilisez également la jolie petite calculatrice à sièges parlementaires fournie par la BBC. Elle montre bien que, comme le suffrage britannique est majoritaire, il est très peu probable que les Libéraux Démocrates gagnent les élections même s'ils obtiennent la majorité des votes, parce que, contrairement aux électeurs Conservateurs et Travaillistes, leurs électeurs sont disséminés dans tout le pays plutôt que concentrés dans certaines parties.Alors, victoire des Travaillistes, avec plus de la moitié des sièges au parlement ? Victoire des Conservateurs, avec plus de la moitié des sièges au parlement ? Ou ni l'une, ni l'autre, ce qui devrait mener à un gouvernement de coalition ?
Et s'il y a une coalition, à votre avis, quelle sera-t'elle ? Gordon Brown - et ses grands amis Travaillistes tout prêts à le remplacer illico si d'aventure il devrait être sacrifié sur l'autel de l'opinion publique - ont tendu la main à Nick Clegg . David Cameron, leader indisputé des Conservateurs, ne l'a pas encore fait : il espère encore convaincre les électeurs LibDem de voter pour lui .
Allez, mouillez-vous un peu: au moins ça nous fournira de quoi nous détendre après les élections, en comparant nos "wild guesses". Common !
Quel est MON pronostic, vous allez dire ? Ah, ah, pas si vite, mes lascars : vous l'aurez quand au moins dix d'entre vous m'auront donné le leur ...
A bon entendeur, salut !
Isabelle Otto

Cela fait dix ans que je vis à Londres et, comme nombre d'immigrés, j'ai souvent le sentiment que la politique locale, régionale et nationale m'intéresse plus que ceux qui peuvent voter ... Cela dit, je n'aii jamais eu l'intention de faire la demande d'un passeport britannique afin d'avoir mon mot à dire . Faut pas exagérer ! Ma vision des futures élections législatives du 6 mai 2010 est donc nécessairement celle d'une "outsider" qui s'assume . Si vous voulez des commentaires vus de l'intérieur, je vous renvois à l'excellente couverture de la BBC, The Independent ou encore The Guardian . Si vous ne lisez pas l'anglais, allez donc voir les articles de Nicolas Madelaine dans Les Echos, ou ceux de Virginie Malingre dans Le Monde .
Je ne vous prendrai pas la tête avec un billet sur le système électoral britannique ou l'histoire de la monarchie constitutionnelle . Pour cela, les articles de Wikipedia sur le Royaume-Uni et son système politique et électoral sont déjà là .
Perspective d'un parlement suspendu .
Sachez seulement que la reine devra choisir comme premier ministre le leader du parti ayant gagné les élections législatives. Or, "le parti ayant gagné les élections" est habituellement celui qui a la majorité absolue des membres de la chambre basse du Parlement . Cet exercice risque d'être compliqué cette fois, puisque pour la première fois depuis presque quarante ans, il y a un risque réel de "hung parliament" , c'est-à-dire d'un parlement ou aucun des partis n'a la majorité absolue et où il faut former une coalition, exercice auxquel les politiciens britanniques ne sont pas habitués (sur ce sujet, un excellent article, en anglais, vient d'être publié par l'Institute for Government). Cette situation exceptionnelle est due à la montée impressionnante en popularité du parti Libéral Démocrate ("LibDem"), qui était perçu comme un petit ouistiti jusqu'il y a peu , coincé entre les deux mastondondes historiques que sont le Parti Travailliste et les Conservateurs ("Tories") . Inutile de dire que vous êtes devant l'une des élections les plus passionnantes qu'ait connu ce pays depuis une quarantaine d'années .
Le débat télévisé qui a changé la donne .
Une autre nouveauté, que nombre d'entre vous auront suivie avec ma "live-tweet" du 15 avril, aura été le débat télévisé entre leaders des trois principaux partis . David Cameron, leader des Tories, et Gordon Brown, premier ministre Labour, ont probablement pensé qu'ils pourraient reprendre du gallon auprès des électeurs, en utilisant le p'tit Nick Clegg, leader des LibDem, comme contre-exemple à leur talent merveilleusement soutenu par les (hem, hem) usual suspects . Bon ben, ils se sont plantés . Et votre servante est la première à en être étonnée, je vous assure . Pourtant, comme l'a dit Virginie Malingre dans Le Monde (20 avril 2010), certains avaient vu le danger pour David Cameron de discuter d'égal à égal avec Nick Clegg, et lui avaient enjoint de refuser l'exercice du débat à trois en faveur d'un face-à-face avec Gordon Brown . Mais au Royaume-Uni, on a l'habitude de sous-estimer les outsiders, que l'on laisse exister, certes, en leur faisant croire que c'est par charité, pendant qu'on leur pompe leur boulot et leur talent : et ça, c'est du vécu, mon coco .
Je dois dire que je n'avais pas percu la soif des Britanniques d'un changement, ni leur envie légitime de faire entrer de l'air dans le cloaque de la vieille politique . Il est vrai que le scandale des notes de frais des parlementaires, qui a défrayé la chronique en 2009, avait dégouté une grande partie de l'opinion, et avait touché beaucoup moins les LibDems que les deux partis traditionnels .
Mais tout n'est pas tout rose non plus . Pour ma part, je l'avoue, j'ai été plutot décue par le manque de qualité des arguments des candidats lors du débat télévisé, et je trouve la campagne électorale très "bateau" et coincée . Lors du débat, Nick Clegg a été, et de loin, le plus convaincu et le plus convaincant, mais, sacrebleu, il y a encore du boulot à faire dans ce pays pour parler des sujets qui fâchent avec franchise et sans manipulations outrecuidantes . Avant que vous me disiez que c'est comme en France, ou en Belgique, je développe sur deux sujets :
L'immigration .
Les trois partis principaux sont tous d'accord : oh, ces vilains immigrés qui veulent nous sucer le sang doivent se tenir à carreau; nous allons limiter le nombre de ceux qui peuvent rentrer et faire sortir ceux qui doivent sortir . Oui, d'accord, c'est vrai qu'il faut des contrôles aux frontières et une véritable politique de l'immigration . Mais conforter l'opinion publique dans la croyance que les étrangers prennent systématiquement du travail aux Britanniques... tss, tss, voyons, c'est très vilain.
Les étrangers en question, et surtout les Polonais tant vilipendés, font très souvent des choses que les Anglais ne veulent ou ne sont pas capables pas faire, et dont le pays a un besoin vital . Nombreux sont ceux qui paient des impôts . Ils ont ouvert des magasins spécialisés qui font florès . Ils ont permis de redévelopper des zones de Londres qui étaient craignos . Nombre d'entre eux se marient et ont des enfants avant d'avoir trente ans, et se comportent moins comme des enfoirés que les jeunes locaux qui vont se bourrer la gueule dans les pubs jusqu'à perdre la raison (l'alcoolisme des jeunes britanniques est un problème sérieux auquel je consacrerai un futur billet) .
Quand tout le pays a espéré travailler dans la City ou être "designer" et rêvé d'acheter une maison en France ou en Espagne, on était bien contents qu'ils arrivent pour ramasser les poubelles . Maintenant, les années folles sont terminées ... les Polonais sont en train de rentrer chez eux . Et ceux qui ne l'ont pas encore fait en rêvent . Alors, les lithanies sur ces étrangers qui piquent le boulot des locaux, c'est bof .
Le système de sécurité sociale .
Un sujet traité pauvrement par les programmes électoraux, et qui me tient particulièrement à coeur, est l'amélioration du National Health Service (NHS), l'équivalent de la Sécu francaise . A entendre les candidats, il n'y a que des détails à régler sur ce dossier : voui, il y a bien des p'tits trucs à faire ici et là, mais dans l'ensemble, le NHS représente les valeurs britanniques de "justice sociale" et de "fairness" (manifeste du Parti Travailliste, et presqu'identique dans le manifeste des LibDems) .
Certains des problèmes mentionnés par les manifestes sont de taille, et en particulier celui de l'accès à certains médicaments destinés à prolonger la vie de certains cancéreux, qui n'est pas garanti par la loi . Loin de moi la pensée qu'il faut éluder le débat sur ce sujet. Mais, voyons, il faut aussi regarder la "big picture". Je l'ai vu et je l'ai vécu : hopitaux sales, traitement dégradant des patients, renvoi des mères et de leurs nouveaux-nés à la maison 12 heures après l'accouchement, inspection des hopitaux mal organisée et mal gérée, médecins généralistes qui recoivent d'un côté des ponts d'or de NHS pour des patients auxquels ils consacrent deux minutes chrono, et qui ont d'autre part leur propre cabinet privé . De tout cela, très peu est mentionné dans les manifestes des partis . Non mais quoi ? Ce monstre coûte les yeux de la tête et a besoin, au moins, d'un bon nettoyage à l'eau de Javel . Vous l'avez compris, je vous servirai quelques billets futurs sur ce sujet, trop grave pour être délaissé .
D'ici au 6 mai ?
Il reste 15 jours avant les élections , et les partis ont encore des cartes à jouer . Gordon Brown a clairement invité les LibDems à former une alliance anti-conservateurs dans une interview publiée dans le Guardian du 21 avril . Les électeurs LibDem, qui savent que même s'ils sont en tête des sondages ils sont trop dispersés pour avoir suffisamment de sièges au Parlement, seraient d'ailleurs en majorité favorables à une telle alliance . Nick Clegg va probablement "attendre et voir" jusqu'au 6 mai . Si je devais parier, là maintenant ? S'il n'y avait que des Londoniens en Angleterre, Cameron gagnerait . A Londres, on aime les leaders forts . Mais il n'y a pas que des Londoniens au Royaume-Uni ...
Isabelle Otto
Il était une fois une Belge aux origines diverses qui voulait connaître le monde . Elle avait commencé à étudier le droit en France dans l'idée d'entrer dans une école de journalisme . Puis, dégoutée par la couverture médiatique de la première guerre du Golfe, elle s'est ravisée et est devenue spécialiste en droit européen . La crétine ! Elle n'avait pas supporté la monétisation de la peur par une certaine chaîne de télé américaine basée à Atlanta, et la surenchère par les autres médias, y compris la presse écrite quotidienne, qui craignaient de se faire piquer leur audience . Mais tout ca c'est de l'histoire antique .
Le web 2.0 est arrivé ! Nombre de journalistes et commentateurs y voient la fin d'un monde merveilleux . Pour moi, cet outil donne enfin la possibilité d'assainir les folies "mass-media" de ces vingt dernières années, qui ont mis de nombreux journalistes dans une boîte dans laquelle ils étouffent à juste titre, et où nous étouffons avec eux .
Est-ce un hasard que ce soit un journaliste qui m'ait suggéré de faire un blog ? Je vais méditer sur cette question encore quelque temps avant d'y répondre... mais il est très clair que la blogosphère contribue à déboucher, parfois brillamment et parfois moins, les arrivées d'air qui avaient été fermées par des pontes qui ont traité l'info comme un produit lambda . Or je suis convaincue que, si l'info est bel et bien - et heureusement ! - commercialisable, elle est d'une nature plus proche de la médecine que la vente de marchandises . Oubliez l'éthique et le sens du service, et les portes que vous avez ouvertes vous reviendront dans la gueule . Et toc .
Je vais tenter de contribuer au débouchage de l'info : sur la qualité de cet exercice, votre verdict sera le mien .
Maintenant, il ne me reste plus qu'à dégoter un premier sujet . Vu le succès de ma "live-tweet" de jeudi dernier en français sur le débat télévisé entre Nick Clegg, David Cameron et Gordon Brown, mon premier billet portera sans doute sur les élections législatives britanniques du 6 mai 2010 . Là, vous m'avez épatée par votre curiosité !
A bientôt, donc .
Isabelle Otto